La poétique de l'Autruche : http://poetiquedelautruche.wordpress.com/
A retrouver également sur Facebook : https://www.facebook.com/poetikdelotrush
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Il avait un regard bleu métallique qui trahissait son rapport au monde. Une clairvoyance distante lui offrait une perception sans risque des choses de la vie, une étude froide, sans émotion ni implication personnelle. Il évoluait sereinement caparaçonné dans sa toile d'analyse et de dérision. Et il n'en était pas peu fier, voire parfois s'en sentait-il un peu supérieur quand il voyait s'agiter tous ces êtres emmêlés dans le chaos inextricable de leur propre affect.
Et il rencontra l'amour, le vrai, celui qui l'eût pu rendre aveugle s'il ne s'était depuis tant d'années contraint sans ménagement à la lucidité. Maintenant, sa vie lui semblait borgne. Comme s'il la scrutait à travers une lorgnette, qu'il n'aurait pas forcément tenu par le bon bout. Quelque direction qu'il empruntât avait LA femme pour horizon. Il voyait bien la route, il savait où il posait le pied, mais il avait conscience qu'au bout, il n'y avait qu'Elle.
Elle, si femme. Si généreuse et sincère dans le bonheur qu'égoïste et incertaine dans l'inconfort. Elle avait une myopie qu'elle ne corrigeait pas et préférait encore ne pas bouger que d'achopper à quelque obstacle sur son parcours.
Mais, lui n'avait d'autre choix que d'avancer vers elle ou se crever les yeux, encore que la cécité n'eût pas assurément retenu sa marche. Comme tous les chemins menaient à Elle, il la rejoignit bientôt.
Quand il la serra enfin dans ses bras, il pût observer par-dessus l'épaule de la belle. Et pour la première fois depuis longtemps, il eût une vision panoramique de l'existence. Une rose des vents des possibles. Il lui prit timidement la main, l'interrogea en silence. Elle opina de son doux visage craintif. Ils firent un premier pas hésitant, puis un autre plus allongé et bientôt on les vit courir en riant sur les routes cahoteuses, explorateurs complices.
Lui avait retrouvé sa façon de voir, enrichie de la tolérance des sentiments. Elle avait toujours un peu peur mais avait appris le goût de la liberté.
Je ne les ai pas revus depuis longtemps. Si vous les croisez, dîtes-moi juste s'ils sont heureux.
De la démarche océanienne
Quand, drapée dans votre indolente majesté,
Vous mouvez à l'allure de ce pas océanien
Une lascive silhouette aux ondoiements innés,
Vire l'alizé avide de n'en perdre rien.
De l'érosion
Ne pleure pas le visage satiné de la jeunesse,
Page immaculée où les mots naissants de ton histoire
N'avaient encore couché les pleurs et les caresses,
Mais daigne que ton âme y sculpte sa mémoire.
De l'imparfait
"Laissons aux géomètres l'idéale proportion;
Oublions Vinci et tandis que le nombre dort,
Le verbe s'élève en une spirale d'or
Pour chanter l'asymétrique perfection."
De l'érection
"Soit, je relève le gant de ce duel à outrance.
Sans pitié, jusqu'à ce que petite mort s'en suive.
Qu'Eros nous en soit le témoin sans complaisance.
Garde-toi de mes touches, je lirai toute esquive."
De l'autosatisfaction
"Quand le désir en crue irrésistiblement ondoie,
Pour en endiguer le flux, fais barrage de tes doigts
Sacrifie donc tes pensées aux caprices de ses flots
Que sans retenue le plaisir en soit sauvé des eaux."
De l'infamie
"Si parfois l'immonde vient à souiller ton âme
N'en viens pas à haïr ton essence de femme
N'aies nul doute qu'un jour quelque nez plus fin
Saura en respirer l'inestimable parfum"
Il fut un temps fort lointain me plaît-il à penser,
A l'âge ingrat où piétinait ma triste cervelle
Accaparée par de stériles rixes existentielles,
Où un flot houleux me noyait de funestes idées.
Le monde, autrui, l'amour, ou le sens de la vie,
Questions charriées par de putréfiants neurones,
Comme autant de cadavres portés par un fleuve atone
Souillaient mes nuits pisseuses, mentale énurésie.
Et si j'osais du bélier de mon intelligence
Enfoncer ces murs aux exhalaisons morbides
Quelques fissures narquoises s'ouvraient sur un vide
Qui phagocytait les vestiges de mon enfance.
L'esprit possédé par la colère et la terreur,
Je tentais de remplir ces perspectives de néant
De mots illustres et de fumée d'Afghanistan,
Présumant trop de leur thérapeutique valeur.
Assoiffée de repos, ma conscience était à l'encan,
Telle putain se met sous l'égide du maquereau moins brutal,
Lorsque vint la sauver de son inconfort léthal
Une petite évidence qui passait chemin faisant.
« -Penses-tu vraiment, risible et présomptueux humain,
Que l'étoile dont dépend le sort d'une pléiade de vies
Luit de ruminer à loisir ce métaphysique ennui
Ou s'occupe-t-elle plutôt de se lever pour toi demain ?
-Mais c'est que moi je pense, et ça ne peut être en vain !
Mon libre-arbitre, mes sentiments ont sûrement un sens,
Ils ne peuvent qu'êtres utiles à ternir l'existence,
Et je pourrais en user pour être enfin quelqu'un !
-Et qui donc se souviendra de toi qui fus quelqu'un ?
Car quoique tu fasss de ta vitale chronologie
Cela s'envasera sous les sédiments de l'oubli,
Le grand pourfendeur de mémoires n'a cure des destins. »
L'insidieuse vérité faisant fi de mon émoi
S'échappa sur ces mots à la compassion douteuse,
En raillant encore mes interrogations oiseuses.
Mais qui était-elle pour se rire ainsi de moi ?
Ainsi débarrassé de l'importune trouble-tête,
Je retournais à mes synaptiques onanismes,
Avide d'achopper au familier nihilisme
Qui ne laissait jamais d'interrompre ma quête.
Or, au lieu de mes sempiternels désespoirs,
Je vis une fleur qui m'intriguait par sa couleur,
Voulait-elle donc séduire ou inspirer la peur ?
Et pourquoi se fermait-elle quand venait le soir ?
Mais qu'est que c'était que ces absurdités-là ?
Il m'en vint d'autres toutes aussi inconsistantes
Sur tout et sur rien, par dessus tout surprenantes,
En aucune manière, nulle qui peu ou prou me concernât.
Et je me pris à sourire parce que je n'étais rien
Mon existence n'aurait pas de signification
J'étais libre , éphémère et voletant papillon,
Je n'aurais que par chance les joies des lendemains.
Aujourd'hui, ma tête connaît constamment les crues
De kyrielles pléthoriques de stimulantes données
Que j'explore, que je fouille sans jamais me lasser
Et je conchie cette vanité qui ne me retient plus.
Viens, mon amour, prends-moi, défonce-moi
Fais moi ces choses avec la bouche, avec les doigts
Que ta bite comme jamais me gamahuche.
Donne donc à ta mie un peu de pain pour sa huche.
Je pourrais être timide face à cette crudité
Mais je suis impavide devant sa nudité
Sûr qu'elle va en avoir pour son propos
Je ne lui ferai pas ravaler que ses gros mots
D'un geste mâle et assuré, je la fais taire
Offrant à sa bavarde une autre chose à faire
Et voici enfin que je décrasse sa bouche
Tandis qu'elle pétrit mes couilles de sa louche
Il n'est vraiment pas question que je la mignarde
Alors voilà que je la voltefesse à la hussarde
Et j'offre à son joli valseur efféminé
L'insigne satisfaction de se faire enculer
Mais est-ce de son cul que vient ce sifflement lointain ?
Et comment ainsi postée tape-t-elle mon épaule de la main ?
Merde ! La conne ! Voilà mon plaisir qui se dégonfle.
J'ouvre un œil et tu me dis « tourne-toi, chéri, tu ronfles »
A me faire entuber mes pensées sont rétives,
Et il m'avait avec dédain posé tant de lapins
Que les rares souvenirs de ma vie affective
N'avaient rien qu'un clapier en place d'un écrin.
J'aurais dû m'en défier de cet angelot nu,
Ce chérubin fadasse avec son air sournois.
Ce maneken pis ailé riait d' m'arroser dru
De jets qui n' venaient guère de son carquois.
Y f'sait flèche de tout bois, se la jouait Guillaume Tell ,
Mais l'aurait p'têt pas dû m'prendre pour une pomme,
J'en vins à décider d' lui faire bouffer ses ailes.
Son arc très bientôt lui chatouillerait l'sacrum.
Je savais bien que ce petit con prétentieux
Ne saurait résister à un beau dithyrambe
Quand je fis mine d'éloge, il descendit des cieux
J'en profitai alors pour lui choper la jambe.
Il embrassa le sol et goûta le plafond
De sa gueule d'ange ne restait qu'un vestige
Et c'est en énumérant ses exactions
Que j'arrachais une à une ses rémiges.
Assagi par un passage en taxidermie,
Il put scruter d'un œil aux regrets posthumes
Ces mots qu'en cet instant de triomphe j'écrivis
Usant narquoisement d'une de ses plumes.
J'étais soulagé ainsi repu de vengeance.
Quand il me prit l'envie de noircir une page,
Un texte où la fadeur cotoyait la navrance
M'avisa que je n'avais pas été très sage.
Ah ben voilà que j'étais plus chez moi dans ma tête
C'était con, elle était bien, enfin pas trop mal faite
Elle était confortable pour mes idées et moi
Et on s'y sentait rarement à l'étroit
Rires, pleurs, embrassades et chamailleries
Animaient cette pouponnière à rêveries
C'était ainsi dans ce désordre raisonné
Que s'épanouissait au mieux ma maisonnée
Mais l'irrésistible intruse vint à tirer la chevillette
Et si en un glas cristallin la bobinette a chu
Pas un instant je ne m'imaginais déchu
Quand s'est invitée la brune à la cigarette
Je l'accueillis galamment sur le pas de mon cortex
Assignant à leur case tous mes élans de sexe
Et leur tendance fâcheuse à se mettre en avant
Dès qu'un songe en jupon s'avérait imprudent
Nous nous promenâmes dans mes circonvolutions
Elle se mouvait si légère dans mon imagination
Qu'elle l'effleurait à peine plus qu'un rêve de plume
Cependant que sous ses pas flétrissait l'amertume
Mais l'irrésistible intruse vint à tirer la chevillette
Et si en un glas cristallin la bobinette a chu
Pas un instant je ne m'imaginais déchu
Quand s'est invitée la brune à la cigarette
J'étais confiant et sa compagnie s'avérait si douce
Que bientôt je ne pensais plus sans sa jolie frimousse
Elle m'accompagnait d'occipital en thalamus
Et ne s'outrageait guère des tas épars de détritus
Je lui présentai donc mes concepts et mes souvenirs
Mes opinions, mes inventions et mes délires
Ce petit monde mental s'accommoda fort bien de sa présence
Jusqu'à ma matière grise soudainement prise d'iridescence
Mais l'irrésistible intruse vint à tirer la chevillette
Et si en un glas cristallin la bobinette a chu
Pas un instant je ne m'imaginais déchu
Quand s'est invitée la brune à la cigarette
Lors un jour que je cherchais quelque effronterie
Quelque chose qui s'acoquinât gaiement à ma poésie
Toutes les pistes me voyaient achopper à son image
Partout en mon labyrinthe elle me faisait barrage.
Je testai avec appréhension la zone sérieuse où je calcule
Mais elle avait également chassé mes maths de leurs cellules
Et je sus que la courbe de mon encéphalogramme
A n'en point douter eût dessiné les traits de la dame.
Mais l'irrésistible intruse vint à tirer la chevillette
Et si en un glas cristallin la bobinette a chu
Pas un instant je ne m'imaginais déchu
Quand s'est invitée la brune à la cigarette
Je ne pouvais me laisser passivement déposséder
Il me fallait d'urgence faire le siège de ma propre psyché
C'est à ce moment inespéré que mon lobe pariétal
M'informa de la suavité d'une caresse labiale
Aussitôt les pulsions que j'avais prudemment consignées
S'égaillèrent en tous sens avides de s'exprimer
Et c'est dans une manière d'explosion divine
Que mon obsession d'elle se diffusa par mon échine.
Et celle qui fut l'intruse n'a plus à tirer la chevillette
Et non jamais je ne regrette le jour de sa venue
Elle est en ma vie chez elle et ne m'entête plus
Et j'aime à y penser à ma brune à la cigarette.
Je n'ai pas l'heur de connaître de vous
Plus que la joliesse amène d'un sourire métissé
Que vos lèvres îliennes ont un jour esquissé
Nimbant votre visage dans mes iris fous
Je ne sais que le si riant éclat
De vos yeux s'irradiant d'un esprit épicé
Que quelques mots idoines ont laissé se glisser
Dans la steppe asséchée de mes rêves trop plats
Peut-être vous dîtes-vous que je suis de ceux-ci
Que la nature a muni d'un cœur maladroit
Qu'une lueur de beauté tout aussitôt foudroie
Ces vers n'émanent pas d'une raison obscurcie
Ces quelques mots sont nés d'une volonté timide
De partager avec vous l'existence d'un possible
Où nos mains se joindraient en complices sensibles
Ils sont le fruit de conjectures candides
Je ne sème non plus ces rimes aux quatre vents
Je songe certes à vous de galante manière
Ignorant tout excepté ce mystère
Par lequel vous avez mû cette plume plus avant.
Dans ma tronche encombrée de merde en pourriture
Un ersatz de toi , prurit traitre et crasse
Est torturé de gré à gré avec mon cœur-crevure
Jusqu'à vider comme pustule mon amour dégueulasse
Je tranche dans le gras des souvenirs variqueux
Je brûle les verrues de tes mensonges puants
Je perce à loisir tes sourires furonculeux
Et tu ravales la gerbe de ta fausseté entre tes dents
Je me branle en t'écoutant geindre, minable grincement
Et je fais fondre de mon foutre chlorhydrique
Tout ce qui fut beau sur ta gueule saturée d'un sang
A la roture avérée sous les torgnoles de ma trique
Quand tu n'es plus qu'un tas de vomissures et d'entrailles
Je viole un à un chaque morceau de tes tripes insincères
Puis les file à des clébards galeux qui snobent cette ripaille
Lui préférant présentement de plus nobles viscères
Ton hydratante souffrance trop brève abreuve mon dégoût
Et j'acte en cruelle trésorerie ton trépas si miteux
Qui voudra recomposer ce patchwork de membres mous
Je l'aurai, altruiste, préservé de tes plaisirs fielleux
Tout maculé de tes humeurs malsaines
Je reviens dans un monde épuré de ton être
Il fait froid sous les étoiles vaines
Et je prie pour te faire renaître...
« - Non, mais regarde moi ce bazar ! On peut même pas se déplacer dans ce foutoir ! Veux-tu ranger tes jouets !
- Mais je...
- Tout de suite !
- C'est pô juste ! »
Mieux valait ne pas insister plus avant. Je connaissais les foudres de mon père et ne tenais pas à essuyer une de ses colères légendaires. Je m'exécutai donc mais avec le regret de qui se sent un peu lâche de céder face à l'adversité. J'avais si bien avancé dans ma construction ! Cela m'avait demandé un temps infini de mettre tout ça en place. J'avais si minutieusement imbriqué chaque pièce de cet univers ludique ! Tous les éléments et les personnages étaient positionnés de façon cohérente, cette fois. J'en étais sûr ! Mais allez faire comprendre ça à ce vieux bougon acariâtre ! Pas une once de créativité n'habitait l'esprit saint de mon si conformiste paternel. Pour lui, les choses devaient rester figées pour durer. Pour moi, le seul truc qui me semblait éternel, c'était l'ennui.
Tout à ma contrariété, je balançais à l'envi quelques coups de pied destructeurs, semant l'apocalypse dans mon œuvre. Et sur le coup, c'est mon vieux que je m'imaginais plongé dans ce chaos que je semais. Il l'emporterait pas au paradis cet empêcheur de créer en rond !
Une fois que j'eus fini mon saccage, j'éparpillais les débris de-ci de-là, donnant l'illusion d'une netteté ménagère qui conviendrait à l'ancêtre et le rejoignais l'air boudeur.
« - Alors, c'est fait, m'interrogea-t-il ?
- Oui, père, c'est fait.
- Mon fils, l'ordre et la discipline sont tout ce qui importe. Tu comprendras quand tu seras plus grand.
- Mais....
- Silence ! Tu passes trop de temps à t'amuser, ce n'est pas sérieux. Allons, laissons cela pour l'instant. En route. Tu as encore beaucoup à apprendre aujourd'hui, Allah-Jeovah.
Je le suivais résigné en pensant avec amertume au sacrifice de mon entreprise. C'était presque parfait cette fois, pourtant. Et puis, j'aimais bien mes dernières trouvailles. La Terre, les humains... Dommage. Mais je me fis ce jour un serment : « je recommencerai, nom de Dieu ! »